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férent (Michaux et al., 1996). Sur le plan mor- noir et Souris font défaut, les populations de Lé-
phométrique, nos observations indiquent qu'il n'y rots sont plus denses qu ' à faible altitude mais cela
a aucun accroissement de taille des animaux n'empeche pas les densités de Mulots d'y etre
corses et sardes par rapport à leurs « parents » plus importantes également (Orsini, 1981 ; Gran-
italiens. En revanche, sur Elbe et Porquerolles, jon et Cheylan, 1988; Orsini et Cheylan, 1988).
une tendance très nette à l'accroissement de taille Lérot et Rat brun n'interviennent donc que faible-
est perceptible, comme sur d'autres iles de faible ment dans le niveau de concurrence interspécifi-
superficie : Formentera (Sans Coma & Kahmann, que.
1977), lbiza (Alcover & Gosalbez, 1988), Pantel-
leria (Felten & Storch, 1970) et Marettimo (Al- En revanche l'effet de la pression de prédation
cover & Gosalbez, 1988). Ce phénomène de gi- est nettement plus faible sur les petites iles que
gantisme constaté sur des petites lles pourrait sur les grandes (Tabl. III), étant pratiquement du
toutefois ne pas etre général. En effet, les Mulots meme ordre de grandeur sur ces dernières que sur
de l'ile de Port Cros, pourtant isolés depuis au le continent (Cheylan, 1983; Fons et al., 1985;
moins aussi longtemps que ceux de Porquerolles Contoli et al., 1988 a et b; Orsini & Cheylan,
(distance génétique du meme ordre de grandeur), 1988). Les Mulots de grande taille (Tabl. III)
ne semblent pas touchés par ce phénomène. La n'ont été rapportés que d'iles où l'on ne trouve
faiblesse de l 'échantillon examiné (n = 7) doit au plus qu 'une seule espèce de Carnivore sau-
toutefois inciter à la prudence. vage : aucune à Marettimo, Porquerolles, Pantel-
leria et Formentera, la Martre (Martes martes) et
Les petites divergences génétiques observées la Genette (Genetta genetta) respectivement à
entre les types mitochondriaux des Mulots de l 'ile Elbe et à lbiza. Sur les autres lles considérées, il
d'Elbe et d'ltalie d'une part (Michaux et al., y a au moins 2 espèces de Carnivores spécialistes
1996) et ceux de Porquerolles et de France conti- de petits Rongeurs au nombre desquelles figure
nentale d' autre part, tendent à montrer que le toujours la Belette, Mustela nivalis. La diminution
gigantisme présent en milieu insulaire ne résulte- de la pression de prédation et, singulièrement,
rait pas d'une dérive génétique consécutive à un l'absence de la Belette semblerait ainsi jouer un
effet fondateur (Berry et al., 1967), mais bien de ròle déterminant dans l'apparition de ce phéno-
variations de facteurs environnementaux. Ceux-ci mène, du moins chez le Mulot. Dans les iles où
joueraient toujours dans le meme sens sur les iles la Belette est présente il a en effet avantage à
de petite étendue et domineraient tòt ou tard l'in- rester plus petit : cela lui permet de se réfugier
fluence d 'un éventuel effet fondateur. Thaler dans des endroits plus difficiles à attcindrc par ce
(1973) et Angerbjorn (1986) attribuent le déter- prédateur.
minisme de ce phénomène aux modifications de
la pression de prédation et de la compétition in- D'autre part, sur les petites iles où l'éventail
terspécifique. Mais lequel de ces deux facteurs des ressources alimentaires est nettement moins
a-t-il été prépondérant dans l'augmentation de large et où la diversité d'habitats est plus faible,
taille des animaux des petites iles? l' acquisition d'une taille plus grande constitue un
avantage adaptatif certain dans la recherche de
Sur les iles pour lesquelles nous disposons de nourriture, dans la lutte pour un territoire ou pour
renseignements suffisamment précis à la fois sur un accès à la reproduction (Case, 1978; Angerb-
la morphologie du Mulot et sur les faunes de ses jorn, 1986). En pareille situation, un caractère
compétiteurs et de ses prédateurs (Tabl. I), nous aussi intéressant que le gigantisme peut etre d'au-
constatons que les formes de grande taille n 'ont tant plus rapidement fixé que les effectifs d'une
été rapportées que d'iles de surface réduite. La population sont faibles et que celle-ci est isolée
compétition interspécifique y est moindre que sur une petite surface.
celle existant dans les communautés continentales
mais elle est du meme ordre que celle qui s'exerce Cette hypothèse sur le déterminisme de l' ac-
dans les grandes iles (Tabl. III) (Contoli et al., croissement de taille du Mulot serait évidemment
1988 a et b ; Libois & Fons, 1990). En effet, les confortée par l'examen de la situation d'autres
principaux concurrents du Mulot, le Rat noir et iles où ce Rongeur est présent mais pour les-
la Souris se trouvent sur toutes les iles où il vit. quelles des données morphométriques suffisantes
En outre, certaines d'entre elles, sont aussi colo- ne sont pas disponibles : Port-Cros, Favignana,
nisées par le Lérot, Eliomys quercinus, et le Rat Gozo...
brun, Rattus norvegicus. Toutefois, les densités du
premier sont généralement très faibles comparées En conclusion, notre étude nous a permis de
à celles du Rat noir et la répartition du second montrer que :
est toujours strictement limitée aux dépòts d'or- - les Mulots de Catalogne espagnole se rattachent,
dures et aux alentours immédiats des aggloméra- tant sur le pian génétique que morphométrique,
tions. La faible interférence du Lérot avec le aux Mulots nord-ouest européens. Les Pyrénées
Mulot est iJlustrée par l 'exemple de la Corse. ne constituent pas une barrière biogéographique
Dans les milieux montagnards et subalpins où Rat pour cette espèce, contrairement à la chaine alpine
qui sépare nettement !es Mulots des groupes
« nord-ouest » et « tyrrhénien »;