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Récit
Sauvé par deux dauphins
Texte de Robert Krouch, illustrations de Gildas Plessis
’est lors d’une croisière en solitaire à Au cours de mes voyages, j’ai rencontré jamais à bord. Je dîne avant la tombée de la
Cbord de mon voilier Vagabond que j’ai une variété de populations qui toutes, sans nuit et je me prépare pour la longue veille
vécu une étrange aventure. Au large des côtes exception, m’ont témoigné un intérêt bien- nocturne. Je ne dors jamais la nuit lorsque je
de la Tunisie, le cap Bon loin derrière moi, veillant, lorsque ce n’était pas une réelle navigue seul.
j’étais en route pour la petite île italienne de affection. Les Favignanais ont une place à La veille du soir qui précède l’histoire
Favignana, près de la Sicile où j’allais assez part dans mon cœur et dans mes souvenirs. Ils que je vais vous raconter, le vent tombe et je
souvent. Favignana, en forme de papillon et ont une façon bien à eux de vous accueillir passe la nuit à naviguer au moteur, sans me
dénuée de végétation, fait partie du groupe et de vous adopter, tout en vous laissant la laisser endormir par le bruit monotone et
des îles Aegades, à l’extrémité nord-ouest de liberté et l’indépendance qui sont chères aux régulier du Perkins. Le soleil est déjà haut sur
la Sicile. À l’époque de mon aventure, les navigateurs. l’horizon et je savoure un bon café chaud. Je
navires de plaisance y faisant escale se comp- Lorsque je navigue seul, j’inverse à bord me sens en pleine forme et je décide de ne pas
taient sur les doigts d’une main. Ceux qui, le cycle normal de vie. La journée est consa- aller me coucher. Sans le vouloir et sans
comme moi, y relâchaient plus d’une semaine crée en grande partie au sommeil et au repos. m’en rendre compte, j’ai dû somnoler une
constituaient l’attraction majeure des habitants Par mer belle, j’essaie de dormir du lever du partie de la nuit. Toujours pas un souffle, pas
de son petit port. Battant pavillon américain soleil jusqu’aux environs de dix heures du la moindre ride sur l’eau. Je croise quelques
de surcroît, je faisais figure d’oiseau rare matin, puis je déjeune frugalement. L’après- pêcheurs siciliens et nous échangeons, à dis-
dans le pays. Les Favignanais adorent les midi, je fais une sieste qui dure généralement tance, quelques signes d’amitié. Le bruit du
oiseaux rares et ils savent aussi le leur jusqu’à quatre heures. Après quoi, je m’occu- moteur devient fatigant, le temps passe. Il est
montrer. pe des diverses tâches qui ne manquent déjà midi et il fait une chaleur torride. C’est
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