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jours là, mais quelque chose me trouble. amassée sur le quai. Comment et par quel votre droite.» Et je les ai vus. Ils devaient être
Quelque chose dans la forme de leur corps et mystérieux moyen de communication mes plus d’une centaine, accompagnant, dépas-
dans leurs mouvements me semble bizarre. dauphins ont-ils pu prévenir la population de sant, poursuivant le navire, disparaissant, puis
La peur et la fatigue paralysent mes facultés l’île? Je n’en sais rien, mais je vois mes amis d’un bond, réapparaissant, tous groupés et
mentales. Je continue à les observer et je les Favignanais. Ils sont tous venus assister à cet escortant le Grévy parmi des gerbes d’écu-
vois s’éloigner jusqu’à ce qu’ils disparaissent. événement extraordinaire. La fanfare du pays mes et sous les reflets argentés du soleil. Pour
Soudain, je les entends. Oui, je les entame un air d’opéra lorsque d’un mouve- un enfant, le spectacle était extraordinaire.
entends. Je ne les vois pas car ils sont sur le ment gracieux et inattendu, le dauphin qui me La grâce et la puissance de ces animaux ne
bord opposé, mais je les entends souffler. Je porte me soulève hors de l’eau et me dépose se sont jamais effacées de ma mémoire et
comprends alors et je reprends vie. Ce souffle dans les bras de marins au bord du quai. Ah! je leur ai toujours porté une affection spé-
que je connais bien se fait entendre à nou- que la vie est belle! ciale.
veau. Deux dauphins viennent de remonter à Un frôlement rude et visqueux me Aujourd’hui, ils ne sont que deux, mais
la surface pour respirer à côté de moi. Je ramène à l’amère réalité. Les dauphins ils m’ont redonné courage et envie de vivre.
respire aussi. Aussi vite que je peux. Et mes viennent me bousculer, mais cela me rend à Comme ils ne paraissent pas farouches, je
esprits reviennent avec leur logique. Tant nouveau optimiste. J’ai de la compagnie et, m’écarte un peu de la coque et me rapproche
que les dauphins sont près de moi, les chances pour un marin, c’est de la bonne compagnie. d’eux. À leur tour, ils s’approchent de moi,
de rencontrer des squales sont moindres. J’ai toujours aimé les dauphins. Je les ai lentement et me bousculent les jambes. Puis
Tant que les dauphins sont près de moi, mes vus pour la première fois à l’âge de 7 ans et ils s’éloignent à toute vitesse, font un demi-
chances d’être sauvé sont plus grandes. je n’ai jamais oublié le spectacle. Nous étions tour rapide et reviennent. Ils ralentissent
Cette logique ne m’empêche pas avec mes parents, mon frère et ma sœur à avant d’arriver à ma hauteur, s’immobilisent
d’imaginer, comme l’évoque la légende bord du Gouverneur Général Grévy, le presque et me poussent les jambes avec leur
antique, que ces gentils mammifères viennent navire de la Compagnie Générale Trans- museau, dans un mouvement bien senti de bas
à mon secours. À force d’y penser, j’en arrive atlantique assurant le transport des passagers en haut. Ce comportement dure bien une
à me convaincre que la légende pourrait avoir entre la Tunisie, où nous résidions, et la dizaine de minutes. Tous leurs mouvements
du vrai. Les dauphins vont-ils me permettre France où nous allions en vacances d’été. La se répètent de façon identique. Après une
de les chevaucher et me conduire vers un mer était très calme comme aujourd’hui. Sur dizaine de ces manœuvres, ils reviennent vers
rivage où je serai sauvé? Je m’imagine même le pont, les passagers déambulaient ou se moi, s’installent en dessous et semblent atten-
arrivant dans le petit port de Favignana, à livraient aux activités typiques à bord des dre. Ils sont quasiment immobiles, mais ils
califourchon sur le dos d’un dauphin et navires de ligne de l’époque. Soudain un cri agitent leur museau de bas en haut avec une
escorté par l’autre. La population est là, «Des marsouins! Des marsouins! Là-bas, sur régularité qui m’intrigue.

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